Yijing Yiking Iching Comment interpréter le Yijing chinois 2

Yi Jing, I Ching, Yiking, Yijing, Yi King, Yih-king


Livre des mutations, Livre des Oracles, Livre de sagesse


Le classique des mutations.




Comment interpréter le Yijing chinois.
La préface de Carl Gustav Jung

Si nous laissons faire la nature, nous avons un tableau bien différent : dans tout processus, il y a une interférence partielle ou totale d’un hasard, si bien que, dans des circonstances naturelles, une suite d’événements absolument conforme à des lois spécifiques est presque une exception.

L’esprit chinois, tel que je le vois à l’oeuvre dans le Yi Jing, semble être exclusivement préoccupé de l’aspect fortuit des événements. Ce que nous nommons coïncidences semble être le souci principal de ce genre d’esprits et ce que nous appelons, causalité passe presque inaperçu. Nous devons admettre qu’il y a quelque chose à dire sur l’énorme importance du hasard.

Une somme incalculable d’efforts humains est directement employée à combattre et à restreindre la nocivité ou le danger représenté par le hasard. Des considérations théoriques de cause et d’effet semblent souvent pâles et poussiéreuses en comparaison des résultats pratiques du hasard. Il est très bien de dire que le cristal de quartz est un prisme hexagonal. La proposition est tout à fait vraie dans la mesure où l’on envisage un cristal idéal.

Mais dans la nature on ne trouve pas deux cristaux identiques, bien que tous soient immanquablement hexagonaux. La forme réelle par contre semble attirer davantage le sage chinois que la forme idéale. Le réseau inextricable de lois naturelles constituant la réalité empirique a plus d’importance pour lui qu’une explication causale d’événements qui doivent en outre être séparés les uns des autres pour qu’on puisse les étudier convenablement.

La manière dont le Yi Jing s’applique à considérer la réalité semble défavoriser nos procédures causales. Le moment réellement observé apparaît davantage, dans la vision de l’ancienne Chine, comme un coup de hasard que comme un résultat clairement défini de processus de chaînes causales concourantes. Le champ d’intérêt semble être la configuration formée par les événements fortuits au moment de l’observation et pas du tout les raisons hypothétiques qui entrent apparemment en ligne de compte pour la coïncidence.

Tandis que l’esprit occidental trie, pèse, choisit, classe, isole avec soin, le tableau chinois du moment embrasse tout, jusqu’au détail le plus mince et le plus dépourvu de sens, parce que le moment observé est fait de tous les ingrédients. Ainsi il advient que lorsqu’on jette les trois pièces de monnaie, ou que l’on fait le décompte des quarante-neuf baguettes d’achillée, ces détails fortuits entrent dans le tableau du moment observé et en font partie - une partie qui pour nous est insignifiante, mais qui revêt la plus haute signification pour l’esprit chinois.

Pour nous, ce serait une assertion banale et presque dépourvue de sens (au moins superficiellement) de dire que tout ce qui advient à un moment donné possède inévitablement la qualité particulière de ce moment. Ce n’est pas là un argument abstrait, mais une affirmation très pratique. Il y a certains connaisseurs qui peuvent vous dire, simplement d’après l’apparence, le goût et la tenue d’un vin, l’emplacement de son vignoble et son année d’origine.

Il existe des antiquaires qui vous nommeront, du premier coup d’oeil, avec une précision presque incroyable, l’époque, le lieu d’origine et l’auteur d’un objet d’art ou d’un meuble. Il y a même des astrologues qui peuvent vous dire, sans connaître votre nativité, quelle était la position du soleil et de la lune et quel signe du zodiaque se levait à l’horizon au moment de votre naissance. Face à de tels faits, il faut admettre que les moments peuvent laisser des traces durables. En d’autres termes, l’inventeur du Yi Jing, quel qu’il ait pu être, était convaincu que l’hexagramme obtenu à un certain moment coïncidait avec ce dernier en qualité aussi bien que chronologiquement. Pour lui, l’hexagramme était l’exposant du moment où il était tracé, et même plus que ne pouvaient l’être les heures de l’horloge et les divisions du calendrier - dans la mesure où l’hexagramme était entendu comme indiquant la situation essentielle qui prédominait au moment de son origine.